Pourquoi faut-il passer à une Slow Communication ? Pour répondre à cette question, j’ai eu le plaisir d’interviewer Coralie Diebold de Yes for Comm.
Sommaire de l'article
1 – Est ce que tu pourrais te présenter ?
Je suis Coralie Diebold, fondatrice de l’agence de communication responsable Yes for Comm. Nous accompagnons les porteurs de projets à impact, les entreprises engagées et les associations sur leur stratégie de communication et son déploiement à 360 degrés.
J’ai toujours été passionnée par les questions de justice sociale (je fais aussi du plaidoyer pour les associations).
C’est pour cela que j’ai voulu que Yes for Comm devienne une entreprise de l’Economie Sociale et Solidaire afin de mieux servir notre raison d’être : Participer à la transition sociale vers une société plus juste, plus humaine et écologiquement responsable.
2 – Pourquoi faut-il passer à une Slow Communication, et en quoi cela consiste ?
Ce concept assez récent en communication et marketing reprend les codes de la Slow food ou de la Slow cosmétique et nous encourage à communiquer de manière plus réfléchie, en privilégiant la qualité à la quantité.
Le slogan serait : Moins mais mieux.
Malheureusement, certaines structures inondent nos boîtes mail et nos réseaux de contenus et publicités, ignorant l’impact sur leurs clients et sur l’environnement.
Elles ont perdu de vue l’humain.
La Slow Communication veut justement remettre l’humain au centre de la communication avec une conception d’un marketing authentique et juste.
Elle s’inscrit dans le mouvement de la communication et du marketing responsables.
Voici trois principes clés pour une Slow Communication :
- Authenticité et transparence : Honnêteté et respect de ses valeurs, communication des faits avec preuves à l’appui.
- Moins mais mieux : Prioriser la qualité sur la quantité, en prenant le temps de créer des contenus pertinents.
- Responsabilité sociétale et environnementale : Intégrer les enjeux sociaux et environnementaux dans ses actions de communication.
Adopter la Slow Communication, c’est opter pour une approche qui se veut à la fois efficace et durable.
L’objectif est de contribuer positivement à la transition écologique et sociale.
3 – Pourrais-tu nous présenter 3 exemples de campagnes marketing de slow communication qui ont été un succès ?
Je donnerai ces trois exemples pour illustrer la Slow Communication :
Lush : Antisocial
Pour le Black Friday en novembre 2021, l’entreprise de cosmétiques frais Lush a décidé de suspendre au niveau mondial ses comptes Instagram, Facebook, Snapchat et TikTok. Ce qui veut dire qu’ils ont cessé de produire du contenu sur ces plateformes.
Ils motivent cette décision en disant que ces réseaux ne protègent pas assez leurs utilisateurs que ce soient sur les questions de protection des données personnelles ou de la santé mentale notamment chez les plus jeunes (troubles du comportement alimentaire et dysmorphophobie).
Leur communiqué de presse interpelle à cet égard car ils considèrent que c’est de leur devoir en tant qu’entreprise de protéger leurs clients des dérives des réseaux sociaux.
Ils ont d’ailleurs mis en place une charte de leurs engagements digitaux.
« J’ai passé ma vie à éviter d’utiliser des ingrédients nocifs dans mes produits. Les risques que les réseaux sociaux représentent pour nous sont aujourd’hui plus que prouvés. Je refuse d’exposer ma clientèle à ces risques ; il est temps de retirer cet ingrédient de notre formule. » – Mark Constantine, co-fondateur de Lush
Ce qui est intéressant dans cet exemple est qu’évidemment, c’est un engagement fort de la part de la marque, mais que cette décision d’adopter une Slow Communication sur les réseaux ne les a pas forcément impacté économiquement.
Au contraire, c’est un formidable coup de pub pour Lush.
Par ailleurs, cela doit être aussi une sacrée économie de temps et d’argent d’un point de vue interne : plus de personnes à payer pour publier du contenu sur ces plateformes, ni de stratégie éditoriale à produire, etc.
La marque a décidé d’investir la création de contenus plutôt sur YouTube où il n’y a pas besoin d’être abonné ou de liker, un exemple de Slow Communication.
Pour le Black Friday en 2023, la marque a également quitté X / Twitter.
Voici quelques messages intéressants de leur campagne « La rébellion contre la Big Tech » (ci-dessous).
Ils continuent à publier quelques fois par mois sur LinkedIn plutôt pour de la communication institutionnelle.
Cependant, Lush rémunèrerait toujours des influenceurs pour faire parler de la marque sur Instagram notamment.
Veja : Zéro pub
Veja, la marque de baskets écologiques française, refuse depuis sa création en 2005 d’investir dans la publicité et le marketing traditionnel, ceci pour respecter leurs valeurs écologiques et sociales, et proposer un prix de vente accessible malgré le coût élevé de production de leurs baskets.
Ils misent pour se faire connaître sur le bouche-à-oreille et des ambassadeurs non rémunérés, comme Meghan Markle par exemple.
Ils ont aussi opté pour un design innovant et épuré dans leurs boutiques afin de créer une communauté de clients engagés.
Leurs valeurs fortes et exigeantes sont mises en avant avec une production de contenus très soutenue sur les réseaux sociaux notamment Instagram, face à une communauté de clients fidèles et ambassadeurs de la marque.
« Veja c’est notre vie, nos pensées, nos réflexions sur l’ordre du monde. Pas une cash-machine. Ça nous est permis parce qu’on ne dépend pas de financements externes. Si une année ou deux ne sont pas rentables, ça n’est pas grave: la pérennité à long terme est notre seule obligation. » – Sébastien Kopp, co-fondateur de Veja (Interview The Good Goods)
Veja est en pleine croissance au niveau international, leur choix marketing d’une Slow Communication ne leur porte donc pas préjudice.
Au contraire, cette démarche est à l’origine de leur notoriété et de leur stratégie de fidélisation client.
A travers les valeurs portées par la marque, ils créent une communauté d’appartenance.
Ils se positionnent aujourd’hui également sur le marché de l’économie circulaire en proposant de réparer les baskets usées dans certains de leurs magasins, et poussent leurs clients à réfléchir avant d’acheter grâce à leur communication.
Toutefois, ils restent lucides sur leurs faiblesses et placent la transparence au cœur de leur communication avec une page « Limites » sur leur site.
Un de leurs points noirs reste l’empreinte carbone élevée de leurs baskets produites au Brésil dans un programme d’insertion.
C’est aussi ça la Slow Communication.
Camif : Anti Black Friday
Dès 2017, la Camif, distributeur français de meubles responsables, a fermé son site internet le jour du Black Friday pour protester contre la sur-consommation.
Bien sûr, c’est un signal extrêmement fort et un engagement qui l’est tout autant.
Depuis, ils ont renouvelé chaque année différentes opérations contre le Black Friday, mêlant initiatives écologiques et sociales : dons à des associations, sit-in pour la planète, etc.
La Camif axe le développement de ses produits sur l’éco-conception et la réduction de l’empreinte carbone à toutes les étapes, de la fabrication à la distribution.
Leurs engagements et notamment celui de son président Emery Jacquillat, ne s’arrête pas là. La Camif a été une des premières entreprises à mission suite à la loi PACTE.
L’entreprise a donc défini sa mission et ses objectifs RSE de façon claire et transparente :
« Proposer des produits et services pour la maison, au bénéfice de l’Homme et de la planète. Mobiliser notre écosystème (consommateurs, collaborateurs, fournisseurs, actionnaires, acteurs du territoire), collaborer et agir pour inventer de nouveaux modèles de consommation, de production et d’organisation. »
C’est un bel exemple de la façon dont une entreprise peut mettre en action ses valeurs et ses moyens de communication pour faire changer les comportements des consommateurs.
L’impact de l’adoption d’une Slow Communication dans un premier temps a bien sûr été une perte de chiffres d’affaires à court terme (fermeture du site e-commerce camif.fr durant le Black Friday) mais sur le long terme, l’écho médiatique de leur démarche a servi leur notoriété et leur croissance, et est un véritable vecteur de fidélisation client.
La communication responsable, dont la Slow Communication, favorise la résilience économique des entreprises.
4 – Comment une entreprise peut se lancer dès à présent dans la slow communication, et comment convaincre la direction que moins c’est mieux ?
Ce que je prône toujours est la stratégie des petits pas !
On ne peut pas changer une stratégie d’entreprise et la stratégie de communication qui en découle, du tout au tout et en un claquement de doigt !
La première étape est de prendre le temps de réfléchir à son identité de marque, à ses valeurs et à sa raison d’être, en toute honnêteté.
Toutes les entreprises engagées aujourd’hui sont passées par cette étape de prise de recul.
Dans l’idéal, ce processus doit être fait en intelligence collective avec toutes les parties prenantes. C’est aussi la première étape vers une stratégie RSE.
Ensuite, dans toute bonne stratégie marketing et communication, il faut connaître ses cibles, ses personas, et adapter ses canaux de communication à ses cibles.
Cela permet déjà de faire le tri dans sa communication pour ne garder que les canaux les plus efficaces en termes de vente et d’audience, donc d’abandonner les canaux les moins « rentables ».
Bien sûr, d’un point de vue éthique, une entreprise peut aussi décider de ne pas utiliser certains canaux, pourtant efficaces, mais qui viendraient en contradiction avec ses valeurs.
Là, c’est la cohérence qui entre en jeu.
La troisième étape est de réduire progressivement la quantité de contenus produits, notamment digitaux.
La question du « Moins mais mieux » passe par l’application du principe de sobriété éditoriale et d’amélioration de la qualité des contenus eux-mêmes.
De manière générale, cela revient à un calendrier de communication moins rempli, à la production de contenus plus longs (blogs, newsletters, etc) et au recyclage des contenus anciens (posts, articles, podcasts).
L’avantage aussi de la Slow Communication est de passer d’une économie de l’attention à une écologie de l’attention, où l’on prend soin du temps de notre interlocuteur en ne lui imposant pas des contenus inintéressants ou inutiles pour lui.
La dernière étape qui devrait être une évidence pour tous les professionnels du marketing est le REX (retour d’expérience).
Il est absolument nécessaire d’analyser l’efficacité de nos campagnes de communication et marketing afin d’en tirer des leçons et de faire de meilleurs choix pour l’avenir.
Avec l’empreinte carbone grandissante du numérique (qui se rapprocherait des 10% des émissions de gaz à effet de serre en 2050), il est vraiment temps d’agir pour une communication raisonnée et efficace.
Qu’on l’appelle Slow Communication ou autre chose, finalement, c’est le pragmatisme qui doit pousser les directions d’entreprise à changer.
Je dirai que pour convaincre, il faut déjà être convaincu soi-même !
Pour cela, il existe différents outils et ressources spécialisés pour les professionnels de la communication et du marketing.
Il y a l’association CODE dont je fais partie, qui produit d’excellentes études sur la nécessité de réguler la publicité et les enjeux démocratiques derrière les questions déontologiques de la communication (un sujet qui me passionne mais à développer dans un autre article peut-être !).
Nous animons également chez Yes for Comm, la Fresque du Marketing créée par le Collectif Responsables de l’Adetem, dont je fais partie également.
J’ai eu la chance de participer à la création de cet outil de sensibilisation qui est un vrai levier de transition auprès des professionnels de la communication et des entreprises.
Le changement viendra de toute façon de la volonté des professionnels du secteur.
Nous tous marketeurs devons changer notre vision pour impacter positivement l’entreprise et la société.
Je crois fermement que la communication a un pouvoir performatif : c’est en disant que le changement arrive !
Comme le disait Gandhi « Sois le changement que tu veux voir dans le monde » ou peut-être devrions-nous plagier « Dis le changement que tu veux voir dans le monde ».
5 – Est ce que tu peux m’en dire plus sur toi et ton entreprise Yes for Comm?
J’ai fondé Yes for Comm en 2018 justement pour répondre à ces enjeux de transition écologique et sociale.
Et les valeurs que je porte sont les mêmes depuis le départ : Responsable, Éthique, Authentique.
Les différentes étapes que j’ai décrites pour adopter une Slow Communication peuvent nécessiter l’appui d’un prestataire externe car il n’est pas toujours facile de faire ce travail d’introspection avec les ressources internes.
C’est pour cela que je propose avec Yes for Comm, différents types de prestations qui vont dans ce sens.
- Conseil en stratégie de communication pour remettre à plat les différentes actions de communication de la structure, réfléchir à ses valeurs et sa raison d’être, et construire une stratégie de communication responsable.
- Coaching comm’, un accompagnement à l’heure ou au forfait, particulièrement adapté aux porteurs de projet et start-ups à impact pour aborder les questions stratégiques et opérationnelles, et monter en compétence sur la communication responsable.
- Bien sûr, le déploiement de la communication à 360 degrés pour les entreprises qui veulent déléguer entièrement la mise en œuvre de leur communication sur leurs différents canaux, et qui partagent les mêmes valeurs et la même vision d’une communication responsable.
- Des ateliers collectifs sur différents sujets : la communication responsable, la stratégie de communication, le plan de comm, les campagnes de crowdfunding, ….. en partenariat avec de nombreux réseaux et incubateurs à impact comme France Active, Les Canaux, La Ruche, Makesense, Empow’her, etc
Toutes les infos sont sur le site yesforcomm.com.
Nous avons également écrit un livre blanc en 2021 « Yes, pour une comm’ plus responsable ! »
Et pour celles et ceux qui souhaitent en apprendre davantage cette vidéo :.