Le management par le Care, prendre soin de ses collaborateurs pour qu’ils prennent soin de vos clients – Benoit Meyronnin

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Le management par le Care, prendre soin de ses collaborateurs pour qu’ils prennent soin de vos clients ! Le point de vue de Benoit Meyronin.

La pandémie et ses conséquences sanitaires autant que socio-économiques nous ont rappelé l’importance de prendre soin de l’autre dans les sphères personnelles comme professionnelle.

Si le « care » et son éthique pouvaient sembler abstraits, la période actuelle a mis en évidence la connexion avec la réalité de ces notions et de leurs mots-clés : vulnérabilité, interdépendance, soin, invisibilité (de celles et ceux qui, concrètement, prennent soin des autres), etc.

En entreprise, cette notion a fait son apparition, dans le sillage de la « symétrie des attentions » notamment : prendre soin de nos équipes pour qu’elles prennent soin de nos clients.

Mais cette philosophie de l’attention à l’autre est bien plus englobante que cela : l’éthique du care pourrait-elle, alors, contribuer à la formulation d’un nouveau paradigme managérial ?

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Qu’est-ce que le « care » ?

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C’est une forme d’éthique, une éthique de notre relation au monde, aux autres donc, qu’éclairent quarante années de travaux en sciences humaines et sociales.

Le care est né aux États-Unis, au début des années 1980, sous la plume de la psychologue Carol Gilligan.[1]

Sa réflexion, d’essence féministe, l’a conduite à conceptualiser la notion en partant, notamment, d’un paradoxe fondamental sur lequel reposent nos sociétés : nous confions ce que nous avons de plus précieux, nous-mêmes, nos enfants et nos seniors, à des professionnels dont les métiers sont souvent peu valorisés, peu reconnus, mal rémunérés et généralement exercés par des femmes.

 

En imposant le télétravail, la pandémie de Covid 19 a remis en lumière cette logique du care et les inégalités sous-jacentes : les télétravailleuses ont le plus souffert du confinement, car elles devaient, en sus de leur activité professionnelle, gérer le care du quotidien (les enfants, leur scolarité, les courses, les repas, etc).

Au printemps 2023, l’enquête réalisée par la Chaire Territoires en Transition de l’Ecole de Management de Grenoble soulignait, hélas, la permanence de cette inégalité hommes-femmes.[2]

De même, les soignants et les « invisibles » qui ont continué à nous servir dans les supérettes, à nous livrer nos repas et nos commandes en ligne et à gérer nos déchets ménagers ont permis au care de trouver sa place dans le débat public.

Martine Aubry en plaidant, dans une interview, pour une « société du care », puis Sandra Laugier et Najat Vallaud Belkacem avec leur ouvrage, La société des vulnérables, ont fait entrer l’éthique du care dans la sphère politique, dans le sillage des travaux de Joan Tronto, une autre universitaire nord-américaine.[3]

 

Mais en quoi le care, ainsi défini, peut-il concerner le monde de l’entreprise ?

 La psychosociologue Pascale Molinier a très justement souligné le lien entre la notion de care et celle de service : « Le care désigne une dimension présente dans toutes les activités de service, au sens où servir, c’est prêter attention à ».

Il n’existe donc pas d’activité de service sans une forme de care.

Il s’agit donc bien de faire, de délivrer un service (public ou privé), mais de le faire avec la bonne posture : avec une attention sincère, une réelle sollicitude.

Ensuite, je suis convaincu que le care peut aider à faire évoluer les pratiques managériales dans le contexte du développement des démarches dites « d’expérience collaborateur », enrichissant ainsi notre approche du bien-être et de la qualité de vie au travail.

Pour cela, il faut en revenir à ce que j’ai nommé les « quatre besoins cardinaux » qui sont les nôtres si l’on suit cette forme d’éthique :

  • La confiance,
  • L’écoute,
  • Le pouvoir d’agir
  • La reconnaissance,

Ils forment, ensemble, un système cohérent.

Commençons par la confiance : comment faire sachant que la confiance ne se décrète pas ? 

Il s’agit de créer un climat dans lequel le collaborateur pourra oser, tout en se sentant protégé s’il commet une erreur – on peut ainsi parler de sécurité psychologique.

L’acte premier du management, c’est celui qui consiste à prendre le risque de déléguer des tâches qu’il serait plus rassurant pour le manager de réaliser lui-même.

Manager est toujours un acte de foi dans l’autre lorsqu’il s’agit de le responsabiliser, de ne plus faire soi-même.

L’une des premières raisons évoquées par celles et ceux qui retournent au travail après une rupture forte (burn-out, notamment) est : « On ne me faisait pas confiance ».

 L’éthique du care attache aussi une grande importance au sujet de l’empowerment et du pouvoir d’agir : créer les conditions pour qu’un collaborateur puisse agir, cela renvoie nécessairement à la question de la confiance.

L’éthique du care, qui se fonde sur nos fragilités ontologiques, invite, par nature, à reconsidérer la question de la prise de risque et, partant, de la vulnérabilité.

Il s’agit, in fine, de veiller constamment à faire croître le pouvoir d’agir de nos équipes, et à les accompagner dans cette responsabilisation (qui est toujours une prise de risque pour elles).

De même, elle apporte un éclairage inédit du besoin de reconnaissance des clients que l’on sert, comme des équipes que l’on manage.

Les uns comme les autres expriment un besoin de valorisation qui convoque à la fois les capacités que l’on a de les écouter, de leur consacrer du temps, de mettre en valeur leurs contributions.

Le care convie ainsi chacun à se saisir de ce besoin si humain et à mieux l’assumer pour être, ainsi, plus sensible aux besoins miroirs des autres : j’ai besoin que tu me reconnaisses comme un professionnel et tu as besoin en retour que je reconnaisse cela aussi chez toi.

Le care propose, enfin, une lecture nouvelle d’un autre serpent de mer du management : l’écoute (de l’usager, du client ou du collaborateur).

Celle-ci doit être comprise comme la manifestation première de la considération que l’on a pour les personnes, dans une posture individuelle autant que collective.

Pour une entreprise, il s’agira de veiller à prendre en compte la position de ses parties prenantes dans tous ses processus, projets et démarches.

L’écoute retrouve, ici, une place fondamentale, qui va de l’espace que l’on accorde aux idées de chacun dans un collectif à la capacité à mieux dialoguer en interne en écoutant les contraintes de l’autre (avec, par exemple, la mise en place d’une démarche « Vis ma vie » ).

 De façon transverse, le care mobilise deux autres principes qui viennent irriguer cette matrice de nos besoins intangibles.

Il se fonde en effet sur une optique qui n’est ni celle de l’autonomie (comme un présupposé) ni celle de la compétition (comme moteur principal de notre action), mais bien celle de l’interdépendance et, donc, de la coopération.

J’ai besoin de l’autre pour avancer, parce que, fondamentalement, nous sommes vulnérables depuis la petite enfance, insérés dans des relations de soin, que l’on prodigue et que l’on reçoit, comme autant de réponses à des besoins qui se manifestent différemment selon les âges de la vie et la situation de chacun.

En entreprise, cela implique de reconnaître une forme de dépendance à l’autre, qui s’en remet à nous, parce qu’il a besoin d’aide (le client, le patient…) ou d’appui (un autre manager ou un collègue).

Le care vient ainsi rafraîchir de vieilles réflexions autour du manque de coopération, du trop-plein de silos.

Dans le cadre d’un accompagnement de managers que je conduis dans une grande compagnie d’assurance, ce sujet est précisément celui que les personnes impliquées choisissent systématiquement comme thème d’atelier, et ce n’est pas une coïncidence.

Enfin, le care pose un principe de réciprocité entre celui qui prend soin et celui qui reçoit les soins, principe qui éclaire d’un jour radicalement nouveau des notions telles que la symétrie des attentions.

Elle restitue en effet l’enjeu “du prendre soin” dans cette réciprocité qui embarque les équipes vis-à-vis de leur manager, dont elles doivent, aussi, prendre soin.

De même, en établissant pour le manager un droit à la reconnaissance, le care ne réduit pas cette question à ce qu’il doit mettre en œuvre à l’égard de son équipe, mais pose en réciprocité l’enjeu de sa propre reconnaissance par l’équipe et, pour lui-même, des façons de reconnaître son propre N+1 !

 Au travers de quatre besoins et de deux principes (interdépendances et réciprocité), l’éthique du care peut donc, opportunément, nous aider à questionner les objets les plus courants du management avec une focale inédite et un formidable pas de côté.

En nous mettant à nu (l’homme, et non plus le dirigeant, le manager ou le collaborateur), elle aide à réinterroger ces antiennes que sont la confiance, l’écoute, la coopération, la reconnaissance ou encore l’autonomie.

Le livre “Replacer vraiment l’humain au coeur de l’entreprise: Le management par le care”

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Le livre a été co-écrit par Christophe, Benoît Meyronin et Marc Grassin.

Cet ouvrage, élaboré par des experts, explore le rôle essentiel du facteur humain dans l’épanouissement des entreprises.

Il s’aligne sur une tendance contemporaine impliquant divers aspects organisationnels, de l’expérience client aux ressources humaines en passant par la Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE), soulignant l’importance de notions comme le Chief Happiness Officer, les initiatives RSE, la symétrie des attentions et la libération des entreprises. L’accent est mis sur une approche innovante du management, centrée sur le concept de “management par le care”.

Pour en savoir plus, vous pouvez consulter l’ouvrage de Benoit sur le Management par le care sur ce lien https://amzn.to/3un6Cks

Le management par le Care et l’écoute collobarateur

Voici ci dessous l’intervention de Benoit Meyronnin lors du CX Summit Eloquant.

Benoit explique en quoi un collaborateur heureux = Un client satisfait.

[1] Son ouvrage séminal est traduit en français et disponible au format de poche : Une voix différente. La morale a-t-elle un sexe ?, Flammarion, collections Champs, 2019 pour la dernière édition.

[2] Cf. https://theconversation.com/teletravail-trois-ans-apres-le-premier-confinement-quelles-tendances-perdurent-203196.

[3] La Société des vulnérables. Leçons féministes d’une crise, Gallimard, collection Tracts, 2020. Cet opuscule d’une soixantaine de pages constitue une bonne introduction pour qui souhaite découvrir plus en profondeur cette notion de care.

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