J’ai eu le plaisir de rencontrer Anne Courjault, Consultante dans l’optimisation de l’expérience client.
Dans cet article, Anne nous explique comment développer une Culture Client dans une entreprise.
La définition de la culture client étant la suivante : La culture Client est l’ensemble des croyances et valeurs communes des collaborateurs d’une entreprise concernant la relation client.
Selon Daniel Ray, la définition de la Culture Client est la suivant : La Culture Client d’une entreprise se compose des valeurs et des croyances partagées au sein de l’entreprise concernant le client et sa satisfaction.
Pour voir quelle est la véritable culture client d’une entreprise, il suffit de regarder la manière dont traitent les collaborateurs lorsqu’ils sont seuls face à des clients en ne se sachant pas observés.
Leurs actes au quotidien traduiront exactement ce qu’ils pensent de la manière dont doit être traité un client par l’entreprise.
C’est comme dire “Bonjour” ou “Bonjour !” comme le démontre Belmondo dans itinéraire d’un enfant gâté.
Une culture client doit s’analyser par les faits et la vraie manière dont est traitée le client, et non pas de beaux discours d’intentions.
C’est pourquoi, il est intéressant de mesurer la véritable culture client d’une entreprise lors de moment de vérité, par exemple lorsque les objectifs de vente ne sont pas atteints.
C’est lors de ces moments de vérité que la Culture Client se révèle (ou pas…).
En effet, le contraste peut être flagrant entre la manière dont est considéré dans les discours, et la manière dont les employés sont managés… ce qui conduit irrémédiablement à avoir un “effet boomerang” car un employé qui est juste là “pour faire son job” / “faire des heures” / “faire un travail” / … n’aura pas forcément comme objectif de satisfaire un client (même si cela peut être le cas).
Parfois, la Culture Client est elle même freinée par l’entreprise, du fait de process et de normes qui ont été établies, et qui peuvent (par leur application stricte) nuire à la satisfaction client.
Découvrons ensemble quelques exemples de programmes et de conseils pour améliorer l’expérience client et la culture client.
Une des premières choses à savoir pour qu’un programme de Culture Client fonctionne, c’est qu’il faut prendre en compte que les collaborateurs sont le bras armée de cette stratégie.
Il faut donc leur accorder suffisamment d’autonomie pour prendre des initiatives et “enchanter” les clients.
Pour cela il est nécessaire de responsabiliser les collaborateurs, et leur permettre d’agir au delà des process établis.
Les équipes opérationnelles doivent avoir la main sur la relation client, afin de développer de l’agilité dans la relation client et en particuliers pour résoudre les litiges.
Le but est que les collaborateurs puissent régler certains problèmes en toute autonomie, en valorisant le fait qu’ils ont dépassés les process classiques “rien que pour eux”, que c’est exceptionnel.
C’est ce qu’on appelle “l’extramile” dans le domaine de la relation client, c’est à dire aller au-delà des process actuellement mis en place pour aller vers le client lors d’un moment de vérité.
A noter : “l’extra mile” est différent du “Random Act of Kindness” (la petite attention aléatoire), car celle ci vise à faire un geste envers un client de manière totalement aléatoire.
Le but n’est pas de juste d’offrir aux clients ce à quoi ils s’attendent (et donc ce pourquoi ils ont payé), mais d’aller au delà des attentes et de rendre les clients heureux en créant de l’émotion.
Pour créer de l’émotion, il faut offrir plus que prévu et y ajouter de l’émotion comme le montre cette équation : Expérience Client = (Perception – Attentes) x Emotion
Par exemple, cela peut être un conseiller qui accorde à un client le droit d’échanger un produit alors que c’est le client qui a fait une erreur, et que normalement l’échange n’est pas possible.
Un autre exemple que l’on voit parfois, ce sont ces les employés qui disent à des personnes qui arrivent juste avant l’heure de fermeture que le magasin et qui disent “Désolé, le magasin va fermer”, ce qui est la procédure normale.
On peut au contraire créer de l’enchantement dans certains cas précis, par exemple “Comme c’est vous, et que vous venez régulièrement..” / “Comme vous avez l’air pressé…” / … je vous laisser rentrer malgré la fermeture officielle.
Pour que cela fonctionne, il faut que le client se rende compte de ce geste exceptionnel, et le valoriser en mettant bien en avant ce n’est pas la norme.
Ces 2 exemples traduisent le fait qu’il faut laisser au collaborateur une latitude dans l’application des processus de l’entreprise.
Cette autonomie est un l’accélérateur qui va lui permettre de résoudre des situations délicates avant qu’elles n’empirent, de fidéliser un client…
A noter : il faut rappeler que la fidélité n’est rentable qu’à 4 conditions selon Daniel Ray
- Vous allez bénéficier d’un bouche à oreille physique (ex: réseau…) ou virtuel (ex: avis clients)
- Vous avez un business modèle où un client achète plusieurs fois votre produit ou qu’il a un abonnement
- Vous pouvez faire des ventes croisées (ex: vendre des produits accessoires…)
- Vous pouvez faire une montée en gamme… (ex: vendre un produit premium)
Voici quelques exemples de programmes qui laissent une autonomie au collaborateur dans la gestion des petits litiges ou des erreurs clients :
- L’UCPA qui donne un “pécule” annuel qui sert de marge de manœuvre à ses conseillers.
- Oui SNCF qui donne à ses conseillers une enveloppe qu’ils peuvent utiliser à discrétion (et de manière raisonnable) tous les mois, dans les cas où le client s’est trompé.
- …
Sommaire de l'article
Un premier de programme pour développer la culture client : Only For You de Sage !
Au niveau de mes expérience passées, j’ai mis en place un programme spécifique sur les gestes commerciaux : c’est le programme “Only for you” chez Sage (sur une cible de TPE/PME).
L’origine de ce programme vient d’un travail collaboratif initié par une équipe pluridisciplinaire de 9 personnes:
- 3 commerciaux
- 4 personnes du service technique
- une assistance du domaine marketing.
Le but était d’avoir des groupes transverses, avec des personnes ayant une expertise terrain.
Nous avons fait des workshops avec ces personnes et grâce à cela nous avons eu des retours extrêmement spontanés et concrets.
Le principe était de dire “Si vous aviez le pouvoir de dire OUI à un client, dans quelle situation le feriez-vous et qu’est-ce que vous feriez, sans que cela ne coûte un budget trop conséquent ?“.
Une des propositions qui a été sélectionnée, c’est par exemple lorsqu’un client est en dehors de sa période de garantie (et qu’il n’a jamais appelé durant sa période de garantie), et qu’il appelle au secours lors d’une échéance clé (ex: la veille de sa déclaration fiscale ou sociale), le conseiller peut alors lui accorder de l’aide.
Le discours est le suivant « Je vois que vous n’avez pas du tout appelé pendant la période de garantie, je prends sur moi de vous assister, et nous allons faire ensemble votre déclaration sociale et fiscale ».
Ce geste doit être remarqué par le client, car si le client ne se rend pas compte que c’est une chose exceptionnelle, ce geste n’aura pas autant de valeur pour lui (pour lui cela sera juste “normal”).
Par contre si cela aura de la valeur pour lui si vous indiquez que c’est un geste exceptionnel, et là vous aurez un effet waouh.
D’où l’importance de bien préciser le discours qui doit être utilisé par le collaborateur en toute transparence :
- La situation du client
- La règle normale qui doit être appliquée
- Le geste exceptionnel qui va être mis en place malgré
Pour que cela soit efficient, il faut que ce geste soit extrêmement important pour le client à ce moment là.
Encore une fois, s’il n’y a pas d’émotion (ex: urgence, problème important…), le geste accordé ne permettra pas de créer suffisamment d’émotion.
Il faut donc identifier dans le parcours client ou dans une situation qui arrive dans la vie du client, un besoin important du client lors d’un moment de vérité.
Lors de ce moment il faut faire la différence, et pour cela il faut que les collaborateurs puissent sortir des process habituels.
Cependant, pour ne pas remettre en cause tous les process existants (sinon c’est l’anarchie), il suffit de dire aux collaborateurs que l’entreprise est là pour satisfaire le client avant tout, pas pour respecter des processus.
En effet comme le disait Henry Ford, celui qui paye le salaire à la fin du mois ce n’est pas l’entreprise, mais c’est le client…
Au final, avec “Only For You”, nous avons développé un programme des 22 gestes commerciaux.
Les 22 gestes étaient à chaque fois adossés à des moments de vérités remontés du terrain. Ainsi chaque conseiller clientèle ou commercial des plateaux pouvait avoir la possibilité de faire un “geste magnanime” dans une situation bien spécifique, à condition que les conseillers donnent vraiment de l’importance à ce geste remarquable.
En effet, si un collaborateur dévoilait que ces gestes étaient “normaux”, nous avons constaté que cela ne fonctionnait plus : il y avait plus l’aspect émotionnel et l’aspect exceptionnel.
Exemple N°2 de Culture Client : la détection de besoins via le support technique
Lorsque l’on fait du commerce, le plus dur est d’avoir au téléphone ou par email l’attention des clients.
Or dans un département d’assistance, les conseillers ont toute l’attention des clients car ils sont là pour les aider et les conseillers.
C’est pourquoi il faut en profiter : après avoir résolu une demande technique, il est possible de faire de la détection de besoins ou de l’initiation de besoins.
Par exemple le conseiller peut présenter un nouveau soft ou une formation pour être plus efficace ou/et résoudre ainsi la demande
Le problème est que cette “vente conseil” n’est pas forcément naturelle pour la plupart des techniciens SAV.
Dans ce contexte il convient de développer cette capacité chez chacun des techniciens-conseils, et ce, de façon personnalisée (certains techniciens étant moins perméables que d’autres à la vente).
Pour que cela réussisse, il faut être déontologique et raisonnable : il faut d’abord résoudre le problème du client, et produire un conseil ajusté.
De manière concrète, grâce à ce programme, nous avons produit un chiffre d’affaires additionnel de 1 000 000 € en 1 an.
Ce montant représentait tout de même 1 % du chiffre d’affaires de la société, et il a été réalisé sans un gros effort, mais avec un grand contentement du client (on lui propose des solutions auxquelles il n’aurait pas pensé ou qu’il ne connaissait pas), et du salarié (il reçoit des primes).
Ce qui est intéressant de noter, c’est que grâce à ces formations “commerciales”, certains techniciens ont trouvé la fibre commerciale qui dormait en eux, soit pour générer des revenus complémentaires, soit pour rejoindre le service commercial.
Il y’a plusieurs manières de favoriser la vente par les téléconseillers:
- les former sur les produits (afin qu’ils sachent quels produits peuvent intéresser les clients)
- les former à la détection de besoins (un client dit qu’il aimerait faire cela, qu’il est dans tel secteur… ou via des questions de découverte).
- faire des incentives régulièrement auprès des équipes, sachant qu’il faut que le montant des prime soit raisonnable par rapport au salaire des techniciens.
La méthode agile, un vrai atout dans les programmes d’amélioration de l’expérience client !
La Méthode Agile est très intéressante puisque dans ses gènes le client est au coeur de la méthode (ex: user stories…).
Pour cela on va alterner entre design thinking (voir cet article) en faisant des personas, en utilisant des users stories, en utilisant des cartes d’empathie…
On va associer des équipes transverses (ex R&D à l’intérieur d’un sprint) avec des équipes du commerce, des équipes du support, des équipes du marketing, etc.
Il est ainsi possible d’étudier les parcours clients avec leurs moments de vérité.
Ceci va permettre d’alimenter la démarche de la R&D et Marketing, et par exemple se concentrer sur un sprint de 15 jours sur un objectif très précis.
Avec la méthode agile, un sprint on ne doit pas avoir comme objectif de faire un “vrai” produit, mais de faire un focus sur 1 fonctionnalité qui peut
- soit générer plus de business,
- soit augmenter la satisfaction,
- soit réduire l’insatisfaction
- soit répondre à une évolution légale
Le but est de sortir des cycles longs, et de passer sur des cycle plus courts avec de la co-construction.
Pour cela il faut développer une agilité relationnelle et savoir travailler les uns avec les autres, et non pas les uns à côté (voire contre) les autres…
Dans de plus en plus d’entreprises, on met dès le lancement des projets la direction de l’expérience client dans la boucle, ce qui permet d’avoir “la voix du client” dès le démarrage d’un projet, en particulier sur comment il sera possible de fluidifier les process afin de ne pas sortir un produit qui ne va pas être adapté au marché.
Une seconde approche est d’avoir une philosophie “test & learn” collaborative.
En mode “test & learn”, on teste une hypothèse avec un périmètre limité, puis en mesure les résultats, et si le bilan est positif on va plus long dans la démarche.
En conclusion : un salarié heureux rend un client heureux
Au final, il faut retenir qu’il faut donner aux collaborateurs de donner vie à la culture client.
Etre bon avec soi-même (et ses collaborateurs), c’est être bon avec les autres. Le bien-être du salarié via l’expérience du collaborateur agit sur l’expérience client : un collaborateur heureux = un collaborateur engagé = un collaborateur qui va vouloir satisfaire les clients.
De nombreuses études montrent que les collaborateurs les plus engagés dans l’entreprise sont ceux qui ont la meilleure culture client.
Pour en savoir plus sur Anne Courjault, vous pouvez visiter son profil LinkedIn.