Les législateurs tordent le cou à la publicité trompeuse !

Publicité mensongère

ConseilsMarketing.fr accueille une nouvelle fois dans ses colonnes Jérôme Le Coeur de l’excellent blog sur le droit des affaires “Decryptages”. Dans ce nouvel article très instructif, Jérôme nous explique les derniers changements sur le droit relatif à la publicité en France suite à la transposition en droit français des directeur européennes.

La directive 2005/29/CE vient d’être transposée en droit français. Cette directive a pour finalité d’harmoniser au niveau européen la réglementation relative à la publicité, afin de faciliter l’accès des entreprises au marché européen.

Il s’agit d’éliminer les obstacles existants à l’accès au marché intérieur en créant des règles uniformes assurant un niveau élevé de protection au consommateur.

Le but étant que n’importe quelle entreprise européenne doit pouvoir accéder plus facilement à des marchés qu’elle redoutait jusqu’à présent d’aborder du fait d’une grande diversité des règles existant jusqu’à présent sur les marchés (par exemple, la publicité comparative en France).
Il s’agit également de protéger les concurrents contre des pratiques déloyalesqui les léseraient. Cette directive n’affecte toutefois pas les lois déjà existantes régissant des domaines spécifiques comme la vente à distance.

Qu’est-ce qui va changer pour “les fils de pub” ?

Une clause générale est insérée dans le code de la consommation. Cet article prévoit que les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

Une pratique commerciale est déloyale lorsqu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère, ou est susceptible d’altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé etraisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. (Art. L.120-1 code de la consommation) :


Le législateur pose le principe de l’interdiction des pratiques commerciales déloyales. Il en donne une définition très large, il se réfère pour se faire à :
la diligence professionnelle qui est une nouvelle notion. L’article 2 lit. h de la directive en donne la définition : il s’agit du “niveau de compétences spécialisées et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité“.
l’altération du comportement économique du consommateur moyen qui se comporte lui aussi comme un “bon père de famille”. Ce sera aux tribunaux de précisercette notion, en s’appuyant sur la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés. Cette altération peut être avérée ou même potentielle. Ici également les tribunaux devront apporter des éclaircissements sur la portée deces différents éléments.

L’Europe pourchasse change les régèles sur les publicités trompeuses…

Après la clause générale, une clause particulière interdit les pratiques commerciales trompeuses.
La nouvelle rédaction de l’article L.121-1 du code de la consommation insiste davantage sur le côté trompeur des pratiques commerciales.
Art. L. 121-1. Code de la consommation nouvelle rédaction :
• I. – Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :
o 1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial, ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;
o 2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur ET portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :
a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;
b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, les conditions de son utilisation et son aptitude à l’usage, ses propriétés et les résultats attendus de son utilisation, ainsi que les résultats et les principales caractéristiques des tests et contrôles effectués sur le bien ou le service ;
c) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ;
d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ;
e) La portée des engagements de l’annonceur, la nature, le procédé ou le motif de la vente ou de la prestation de services ;
f) L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel ;
g) Le traitement des réclamations et les droits du consommateur ;
o 3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable.
• II. – Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu’elle n’indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte. Dans toute communication commerciale destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :
o 1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;
o 2° L’adresse et l’identité du professionnel ;
o 3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s’ils ne peuvent être établis à l’avance ;
o 4° Les modalités de paiement, de livraison, d’exécution et de traitement des réclamations des consommateurs, dès lors qu’elles sont différentes de celles habituellement pratiquées dans le domaine d’activité professionnelle concerné ;
o 5° L’existence d’un droit de rétractation, si ce dernier est prévu par la loi.
• III. – Le I est applicable aux pratiques qui visent les professionnels. ;
La rédaction de l’article L.121-1 du code de la consommation est entièrement modifiée. La nouvelle rédaction ne parle plus de publicité mais de pratique commerciale trompeuse. Cette dernière notion est plus large puisqu’elle semble inclure le contrat qui jusqu’à présent était exclu du champ d’application de l’article L.121-1.

Le considérant 13 de la directive va dans le même sens puisqu’il évoque les “pratiques commerciales déloyales qui sont utilisées en dehors de toute relation contractuelle entre le professionnel et le consommateur ou consécutivement à la conclusion d’un contrat ou durant l’exécution de celui-ci“.
Les circonstances sont, on le voit, alternatives : une publicité peut être trompeuse si l’une ou l’autre des conditions posées 1° et 2° est remplie. Le texte précise à ce propos “dans l’une des circonstances suivantes“.
Ci-après les différents éléments qui composent cet article :
1° le risque de confusion entre le produit ou le service de l’annonceur et ceux d’un concurrent est maintenant clairement réprimé : il s’agit de réprimer le fait de profiter de la notoriété d’un concurrent pour vendre ses propres produits ;
Le texte reprend la formulation antérieure de l’article L.121-1. À noter qu’ici les deux conditions de cette disposition sont cumulatives. La liste des éléments reprend celle de l’article ancien tout en apportant des précisions, notamment sur le traitement des réclamations.
Il faut que l’annonceur soit clairement identifiable. La directive fait mention de l’utilisation par le professionnel de mention relative à un code de bonne conduite ou à des labels de qualités. Ces différentes notions ne sont pas reprises dans la nouvelle rédaction de l’article L.121-1 du code de la consommation parce qu’elles figurent déjà , notamment aux articles L.115-1 et suivants du même code.
À noter que le code de la consommation ne reprend pas la distinction claire que fait la directive entre les actions trompeuses et les omissions trompeuses. Il n’est pas nécessaire de faire un acte pour qu’une publicité soit trompeuse : une mission suffit à rendre une publicité trompeuse : cacher un élément important, décisif peut donc rendre une publicité mensongère.
La première partie de l’article L. 121-1 du code de la consommation est dorénavant applicable aux relations entre professionnels, ce qui est surprenant dans la mesure où la disposition figure dans le code de la consommation et que ce dernier n’est pas normalement applicable aux relations entre professionnels.
Il s’agit sans doute de faciliter la lutte contre les pratiqes déloyales. La directive prévoit à son article 5 point 5 que l’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. C’est une liste unique on doit se référer pour savoir si une pratique est déloyale. La liste des 23 pratiques est disponible sur la version html de la directive.

Cette liste, impérative, n’est toutefois pas limitative. En effet, le considérant 17 de la directive prévoit qu’au cas par cas, on [les juges] puisse[nt] considérer une pratique comme déloyale bien que ne figurant pas sur cette liste. Ce sera donc aux juges de préciser au besoin la notion de pratique commerciale trompeuse.
À titre d’exemple, ont déjà été jugées trompeuses les publicités qui, notamment
• laisse penser qu’un jus de fruit est pur alors qu’il est additionné d’eau (Cass. Crim. 4 mars 1976, Bull; Crim n°199)

• surestime de 10% la surface de l’appartement en vente (CA Paris, 16 juin 1998)
• affiche un prix qui n’est pas celui de l’objet présenté (Cass. Crim. 28 nov. 1991)

• présente une vente comme étant directe alors que des intermédiaires sont intervenus (Cass. Crim. 8 oct. 1985, Bull. Crim. n°304) ;
• annonce que le professionnel fournit des services accessoires qu’il ne peut assurer (Cass. Crim. 3 janv. 1984, Bull. Crim. n°1)

Retrouvez d’autres articles sur le droit des affaires sur le blog sur le droit des affaires “Decryptages”.

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