Nous avons eu le plaisir d’interviewer Vincent Digonnet de Razor Fish lors de la Nuit du Marketing 2015 de l’ADETEM.
Vincent Digonnet était jusqu’à l’année dernière Patron de la Zone Pacifique chez Razor Fish, et il est depuis Janvier 2015 le Chief Growth and transformation Officer de Razor Fish International.
Dans cette interview Vincent nous explique l’impact que pourrait avoir la Chine sur l’Economie Mondiale.
Ce point de vue est d’autant plus intéressant, qu’avec les dernières péripéties économique de la rentrée 2015, les entreprises Chinoises risquent d’accélérer leur croissance à l’international.
Sommaire de l'article
Il y a 10 ans, c’était les Européens qui partaient faire du Marketing en Chine… maintenant c’est l’inverse !
Ce qui est intéressant, c’est qu’il y a 10 ans, c’était les Européens qui partaient en Chine ou en Asie pour leur expliquer comment faire du marketing et la communication alors que, maintenant, ce sont les gens avec l’expérience du marché Asiatique qui viennent expliquer aux gens comment faire la transformation du business avec le nouveau monde digital.
La grande leçon de la Chine par rapport au développement digital, c’est qu’ils ont fondamentalement intégré la vitesse de transformation du monde, et que la technologie transforme tout.
J’ai fait il y a trois semaines une conférence à Shanghai, et parmi les gens présents, il y avait le patron de Ucool qui est l’équivalent de YouTube.
Il expliquait que son plan sur 3 ans était maintenant sur un mois, et qu’il définissait 6 priorités jusqu’au bout du mois… et généralement il y en avait 4 qui tombaient (celles qui ne marchaient pas), et ainsi il se concentrait sur ce qui apportait du business.
Il ne passait plus de temps à suivre un plan qui ne marchait pas, au contraire, il surfait sur la transformation constante de ses opérations et du marché pour choisir les bonnes opportunités.
C’est cette agilité dont on a besoin, car s’il faut faire des plans à 3 ans, ans dans le monde dans lequel on vit on peut être sûr qu’il faudra obligatoirement le revoir car le monde va trop vite.
Par exemple Weishi, qui a maintenant plus de 600 millions d’actifs, qui est devenu une plateforme d’eCommerce (qui concurrence Alibaba en Chine et qui va s’étendre dans le monde entier), alors qu’elle n’existait pas il y a seulement 3 ans !
Il y a des révolutions constantes, et donc il faut être capable de surfer sur la vague et d’avoir l’agilité de pouvoir ne pas rester obnubilé sur un objectif qui a changé faute à la concurrence, à un changement des habitudes, à des nouveautés technologiques…
C’est comme cela que KODAK a disparu et que des entreprises qui pensaient être immortelles ont disparues dans les 10 dernières années.
En quelque sorte, nous nous retrouvons en mode Start-Up : il faut tenter et essayer pour faire le maximum d’erreur au début pour trouver la bonne solution le plus rapidement possible.
Mais ce qui se passe en Chine à la différence de l’Europe, c’est qu’on arrive rapidement a une échelle qui permet de faire d’une Start-Up une réalité.
C’est vraiment une chose exceptionnelle, et c’est là que les occidentaux se méprennent sur la capacité des entreprises Chinoises.
Une entreprise comme Alibaba a déjà 500 millions de clients sur sa plateforme, or il n’existe pas une entreprise digitale au monde qui a cette puissance de feu.
Quand les Chinois voudront s’étendre dans le reste du monde, ils auront une plateforme, une extra visibilité, une expertise… que personne d’autre n’a.
Ils ont également une puissance financière incroyable, ils peuvent acheter quasiment n’importe qui du jour au lendemain !
Il y a également un autre élément que je trouve très intéressant dans le système chinois, c’est que le système permet aux TPE & PME de croître.
Or le système occidentale est tourné pour favoriser les grosses entreprises.
C’est pour cela qu’en France, il y a de grosses entreprises et des TPE/PME, mais peu d’entreprises de taille intermédiaire.
A contrario, de l’Allemagne a beaucoup de Moyennes Entreprises, alors qu’en France on a trop peu d’entreprises de ce type.
Dans ce contexte, le “modèle chinois” pourra aider l’Economie Occidentale dans les années à venir grâce à des plateformes sur lesquelles les Petites Entreprises peuvent espérer croître et créer une marque.
Il y a un moment on comparait Amazon à Alibaba, mais c’est incomparable !
Alibaba c’est une nouvelle forme des places de marchés du Moyen Age dans lesquels les gens construisent leurs expériences et peuvent construire leurs marques en profitant du trafic de l’ensemble des autres participants.
Le monde digital que les Chinois sont en train de construire réplique cette capacité de faciliter l’accès à une audience, à des gens… via des petites entreprises, et la Chine est une succession de petites entreprises.
La Chine est Mobile First…
Les chinois ont une culture de cash, la carte de crédit n’a jamais marché en Chine.
Certaines entreprises se sont lancées, elles n’ont pratiquement pas de concurrence, mais cela n’a pas fonctionné.
Les chinois sont quasiment passés du “Moyen Age” au mobile.
Ils n’ont pratiquement pas utilisé l’ordinateur, pour surfer sur internet, ils utilisent le mobile qui est le terminal principal de tous les chinois.
Toutes leurs activités se font au travers d’un mobile.
Ils regardent des vidéos à partir d’un mobile, ils postent des blogs à partir d’un mobile… et la qualité de l’interaction et du service des réseaux sociaux sur le mobile est exceptionnelle.
Comment ce “mobile first” se caractérise ?
On va prendre l’exemple de Weishi, qui n’existait pas il y a 3 ans, et qui compte maintenant plus de 500 millions d’utilisateurs actifs !
Par exemple, si vous souhaitez lire un article sur Weishi qui est sur un site qui n’est pas adapté à votre mobile, et que vous cliquez sur cet article (ou si un copain vous envoie un article), vous ne sortez pas de Weishi puisqu’il importe et reconfigure dans votre application le contenu pour une lisibilité optimale.
Et si ce contenu vous intéresse, vous cliquez sur “save” et tout est sauvegardé au format “mobile friendly”.
Vous avez aussi des application mobiles très performantes, par exemple pour apprendre à jouer au basket avec Nike avec de petits tutoriels avec des Stars, et bien sûr on peut cliquer depuis l’app pour acheter les chaussures.
Vers une prochaine invasion Chinoise ?
Les Chinois peuvent débarquer en France, mais ils ne vont pas le faire à court terme parce que la compétition est très féroce en Chine.
Les Chinois cherchent à devenir (ou à rester) leaders sur leur marché intérieur, sauf pour les groupes qui ont une volonté d’aller a l’international dès le départ comme WeChat. Ce genre d’entreprise vise dès le départ un marché mondial.
Les entreprises Chinoises utilisent toutes leurs ressources pour le marché intérieur, et pour l’instant se disent que 10% de part de marché en Chine c’est beaucoup plus que toute l’Europe.
Donc pourquoi vouloir aller en Europe plutôt que renforces une position en Chine ?
Mais tous n’ont pas cette idée, comme par exemple Alibaba qui investit dans beaucoup en Amérique, leur approche est de s’adapter aux consommateurs, de concevoir le service qui sera le meilleur pour une typologie de consommateurs.
Pour Alibaba, leur idée est qu’ils sont là pour les 100 ans à venir, et que leur rapport à l’argent et au temps n’est pas le même qu’en Occident.
Leur vision est un mélange de réactivité pour s’adapter à la vie de tous les jours et aux changements technologiques, avec en même temps une vision très long terme avec un objectif sociétal.
En même temps ils ont un nationalisme qui est assez fort, par exemple, les 3 grands patrons des 3 grandes plateformes chinoise forment un think tank qui aident le gouvernement à transformer la Chine.
C’est un paradoxe, ils sont extrêmement concurrent mais ils consacrent une partie de leur temps à développer la Chine, parce que le développement de la Chine, l’enrichissement des Chinois… fait partie de leurs rêves et leurs motivations.
Vous voulez aller plus loin dans votre transformation digitale ?
Il suffit d’aller sur Razorfish.com où vous trouverez des blogs sur la transformation digitale du business.
Il faut tuer la notion de “publicité classique” car les gens ne veulent plus de messages mais ils veulent des expériences.
Les messages, ils les trouvent partout, on est maintenant dans des systèmes participatif dans lesquels les gens veulent être en premier et être les acteurs de leurs propres expériences et les marques doivent s’adapter à cela.