Que faire si on est injurié ou diffamé sur Internet ?

Comment réagir lorsque l’on est injurié ou diffamé sur le net ?


Que faire si on est injurié ou diffamé sur Internet ? 5

ConseilsMarketing.fr accueille une nouvelle fois dans ses colonnes un des 5 vainqueurs de notre concours, Jérôme Le Coeur du blog sur le droit Decryptages.

Jérôme explique dans cet article comment réagir quand on est insulté, diffamé ou injurié sur un site internet (Blog, Forum..), que l’on soit une entreprise ou un particulier. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait penser les restrictions de la Loi sont très précises et peuvent vous jouer un mauvais tour si vous n’êtes pas vigilant…

Le cas d’un particulier qui se fait diffamer sur un blog ou un forum…


Beaucoup de sites, forums, blogs regorgent de commentaires peu amènes envers des sociétés ou des particuliers. Il n’est pas rare que la ligne rouge soit franchie et que les propos tenus constituent une infraction.

Il peut s’agir soit de diffamation (allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne) soit d’une injure (expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait). La victime de l’une de ces infractions peut bien sûr poursuivre l’auteur de ces propos.

Néanmoins, elle ne dispose que de très peu de temps pour ce faire. En effet, la prescription qui est le délai qu’a la victime pour agir n’est que de 3 mois (art. 65 de la loi du 29 juillet 1881).

En d’autres termes, passés 3 mois, une victime d’injure ou de diffamation ne peut plus agir contre l’auteur des propos. Cette prescription, extrêmement courte, ne favorise bien sûr pas les victimes qui peuvent avoir connaissance de l’infraction bien après l’expiration du délai de prescription.

Sont responsables des faits, dans l’ordre, les directeurs de publications (site Internet, forum, blog) puis, à défaut, les auteurs du texte, puis l’hébergeur. C’est à eux de prouver que la publication est antérieure à 3 mois et que la prescription leur est acquise. C’est la solution qu’a retenu la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation le 30 janvier 2001.

L’attitude à adopter en cas de découverte de textes potentiellement injurieux ou diffamatoires est la suivante :

* prendre contact avec le webmaster du site sur lequel figure le texte et lui demander de retirer les textes. Attention toutefois à ne pas se rendre coupable de dénonciation calomnieuse, ce qui serait contre-productif ;
* vérifier la date de publication du texte et si elle est inférieure à 3 mois, mettre en cause la responsabilité du webmaster s’il n’a pas retiré le texte injurieux ou diffamatoire ;
* si le texte date de plus de 3 mois, il n’est hélas plus possible d’agir juridiquement ;


Le cas des entreprises qui se font injurier ou diffamer…


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La Chambre Criminelle de la Cour de Cassation a répondu par l’affirmative dès 1937, que
les personnes morales comme les sociétés étaient susceptibles d’être injuriées ou diffamées (Crim. 10 juillet 1937, Bull. crim. n°147, DP 1938, 1, 41).

On peut imaginer que les entreprises subissent des dommages particuliers, résultant notamment d’agissements déloyaux de la part de concurrents. Agir non pas en se fondant sur la loi de 1881 réprimant l’injure ou la diffamation mais sur la responsabilité civile délictuelle (art. 1382 et 1383 c. civ.) peut être envisagé. La responsabilité civile délictuelle est en effet le fondement traditionnel de la concurrence déloyale et du parasitisme.

Cette idée n’est pourtant pas bonne : la loi de 1881 institue un régime particulier de responsabilité. Quand une loi institue une règle particulière, cette dernière se substitue à la règle générale : c’est le sens de l’adage specialia generalibus derogant. On ne peut donc agir en se fondant sur la responsabilité civile en cas de dénigrement sur l’Internet.

C’est le sens de l’arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 2 février 2007 (texte de l’arrêt sur le site Légalis). La Cour a jugé que “les abus de la liberté d’expression relevant d’une qualification prévue par la loi du 29 juillet 1881 ou constitutifs d’une atteinte à la présomption d’innocence au sens de l’article 9-1 du code civil ne peuvent être poursuivis sur le fondement de l’article 1382 du code civil”.

Dans le cas présent, Carrefour poursuivait un auteur de blog qui avait insinué que le premier utilisait un système de vidéosurveillance clandestin et filait des salariés en dehors de leur lieu de travail. De plus, l’auteur aurait exprimer à l’encontre de la société des propos dénigrants et portant atteinte à son image de marque. La Cour d’Appel de Paris a réformé l’ordonnance du Tribunal de Grande Instance de Créteil du 23 mars 2006 qui avait condamné en référé l’auteur du blog.

On le voit une entreprise peut agir contre un auteur de blog qui l’a injurié ou diffamé. Le régime juridique applicable est celui de la loi de 1881. De ce fait, le délai pour agir est de 3 mois (art. 65, loi du 29 juill. 1881). Au delà de ce délai il n’est pas plus possible d’agir contre l’auteur des écrits.

À titre d’exemple, voici ce qu’a considéré comme diffamatoire la Cour d’Appel de Paris dans un autre arrêt (Cour d’Appel de Paris 11ème chambre, section A, Arrêt du 10 mai 2006) condamnant deux journalistes : “…Un règlement intérieur qui engage la responsabilité du personnel sur le matériel de l’entreprise : illégal !… Chez X, la liberté des prix n’a décidément pas de prix”.

Deux éléments peuvent permettre d’échapper à une condamnation : la preuve de la vérité des faits allégués et la bonne foi. Dans le cas présent, ces deux éléments n’ont pas pu être réunis ce qui a entraîné la condamnation des auteurs de l’article.

Le cas des des hébergeurs de contenus injurieux…


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Dans les 2 parties précédentes nous nous étions placés du côté de la victime (personne morale ou entreprise). Nous allons maintenant nous placer du côté de l’exploitant du site qui héberge les propos injurieux ou diffamant pour analyser les risques.

En laissant des visiteurs poster des contenus (texte, images, vidéos…) sur un forum, un blog… l’exploitant sera responsable de ces contenus en tant qu’éditeur.

Le fait que la gestion d’un site Internet soit accessoire au regard de l’activité principale de l’entreprise ne change rien : sa simple présence sur l’Internet suffit à faire de l’entreprise un éditeur. De ce fait, si des propos illégaux parce qu’injurieux, racistes, homophobe etc. sont déposés sur le site de l’entreprise, cette dernière pourra voir sa responsabilité engagée. Cette responsabilité est à la fois pénale (1 an de d’emprisonnement aux termes de l’art. 6 VI 2. LCEN) et civile (dommages et intérêts).

Pour limiter le risque juridique, l’éditeur peut adopter le rôle d’intermédiaire technique. L’art. 6 de la LCEN définit l’intermédiaire technique comme étant la “personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services“. On le voit la définition est très large et ne se limite pas à un texte écrit. Une image, une vidéo… peuvent engager la responsabilité de leurs auteurs.

L’art. 6 de la LCEN pose trois conditions pour que la responsabilité des éditeurs ne puisse être recherchée :

1. ils “n’avaient pas effectivement connaissance de leur caractère illicite” :

Il ne faut pas que l’éditeur sache que les contenus mis en ligne ont un caractère illégal… Toutefois, cet éditeur est présumé avoir connaissance des faits litigieux quand il a reçu :
* la date de la notification ;
* si le notifiant est une personne physique : ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ; si le requérant est une personne morale : sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement ;
* les nom et domicile du destinataire ou, s’il s’agit d’une personne morale, sa dénomination et son siège social ;
* la description des faits litigieux et leur localisation précise ;
* les motifs pour lesquels le contenu doit être retiré, comprenant la mention des dispositions légales et des justifications de faits ;
* la copie de la correspondance adressée à l’auteur ou à l’éditeur des informations ou activités litigieuses demandant leur interruption, leur retrait ou leur modification, ou la justification de ce que l’auteur ou l’éditeur n’a pu être contacté.

Cela reste une présomption… Cela veut dire que l’hébergeur peut apporter la preuve contraire et ainsi échapper à la mise en cause de sa responsabilité.

2. que s’ils sont avertis du caractère illicite, ils agissent “promptement pour retirer ces données ou en rendre l’accès impossible“. Il faut qu’à partir du moment où la personne qui se dit victime a signalé le contenu litigieux, l’éditeur les retire rapidement.

3. Que les éditeurs “détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires“.

Il s’agit là de donner un moyen à la victime de se retourner contre l’auteur du contenu litigieux. Il paraît logique de permettre à la victime de se retourner contre l’hébergeur si celui-ci l’empêche de s’en prendre à l’auteur du contenu jugé litigieux.

En conclusion, voici ce que l’on peut conseiller à une entreprise qui met en place notamment un forum ou un blog :

* Rédiger des conditions d’utilisation imposant aux intervenants de respecter l’ordre public (propos contraires aux bonnes mœurs…), le droit des tiers (diffamation, injure, marque…) et les prévenir du retrait des contenus manifestement illicite ;

* Préciser dans les conditions d’utilisation que l’éditeur est uniquement un intermédiaire technique ;

* Ne pas faire de modération ou de contrôle a posteriori. Cela peut paraître contradictoire mais un éditeur qui modère ou contrôle a priori le contenu pourra voir sa responsabilité engagée s’il choisit de ne pas retirer un contenu illicite : il a en effet eu connaissance du contenu ;

* Tout mettre en œuvre pour traiter les réclamations faites par des tiers qui pensent être victime du contenu : laisser notamment un e-mail de contact

* Collecter les données nécessaires pour identifier l’auteur des propos.
Ces données étant des données personnelles, il faut procéder à la déclaration de leur traitement auprès de la CNIL.

Ces données doivent toutefois être exploitables sous peine de voir sa responsabilité engagée. Ainsi, Tiscali a été jugé par le TGI de Paris (TGI de Paris 3ème chambre, 1ère section Jugement du 16 février 2005) responsable de la contrefaçon de bandes dessinées parce que les données fournies par le participant à un forum étaient fantaisistes. La solution dégagée dans ce jugement, rendu sous l’empire de la loi précédente, reste toutefois valable.

Les éditeurs sont prémunis contre les agissements excessifs ou frauduleux par l’art. 6 I 4 de la LCEN qui dispose que “le fait, pour toute personne, de présenter (…) un contenu ou une activité comme étant illicite dans le but d’en obtenir le retrait ou d’en faire cesser la diffusion, alors qu’elle sait cette information inexacte, est puni d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende“. On le voit, cette disposition responsabilise les personnes qui dénoncent à tort et à travers des contenus licites.

Téléchargez les deux premières parties de cet article “Que faire si on est diffamé ou injurié sur internet” en PDF.

Retrouvez plus d’articles pratiques sur le droit sur le blog de Jérome Le Coeur decryptages.wordpress.com.

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