La dure et dangereuse transition des éditeurs de logiciels vers le cloud‏ !

matrice BCG editeurs de logiciels de gestion

S’il est une profession qui est actuellement en pleine transition, c’est celle des éditeurs de logiciels « Windows » traditionnels.

La plupart des leaders de ce secteur sont nés dans les années 80, avec des logiciels conçus sur des plateformes “client-serveur” fonctionnant sous Windows.

Ils ont connus un succès très rentable pendant des années, mais comme toutes niches le cycle de vie de cette industrie à évolué.

Or nombreux d’entre eux sont restés sur leur ancienne plateforme, et peu ont oser prendre le virage du Cloud.

En effet business modèle initial était simple : vendre une licence et proposer une maintenance (obligatoire ou facultative).

L’éditeur vivait alors sur un excellent business modèle :

  • La vente de la licence initiale permettait d’avoir une bonne trésorerie
  • La vente de la maintenance ou de la mise à jour permettait d’avoir un business cumulatif et récurrent

Ainsi, plus l’éditeur vendait des licences, plus il gagnait de l’argent via la maintenance (généralement 20% du prix du produit).

Mais depuis 5 ans le marché est bousculé par de nouveaux acteurs, de la start-up créée dans un garage à la multinationale qui propose des offres mondialisées sur le Cloud.

C’est pourquoi dans ce dossier nous allons faire un focus sur la transition digitale de ces éditeurs de logiciels, avec en focus sur les éditeurs de logiciels de gestion.

Les 4 profils d’éditeurs de logiciels face au Cloud

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Le marché se divise en 4 typologies différentes, selon leur avancement dans la transition digitale et leur position :

  • Les Startups qui se lancent sur un marché directement sur le Cloud, avec peu de part de marché, mais une forte croissance.
  • Les multinationales qui proposent 1 produit unique pour le monde entier, et qui s’implantent en France avec leurs produits et quelques adaptations, avec une croissance moyenne (ils prennent des parts de marché aux leaders historiques)
  • Les acteurs historiques qui ont commencé à prendre le virage Cloud, en redéveloppant tout ou partie de leur produit sur le Web, avec une croissance plus faible que la moyenne (du fait d’un portefeuille mixte).
  • Les acteurs historiques qui sont toujours avec l’ancienne technologie, avec au mieux un portage du logiciel sur le cloud (c’est à dire installer l’application sur un serveur dédié), qui sont en décroissance (ou au mieux en stagnation) de chiffre d’affaires (leurs offres n’étant plus en phase avec le marché).

1 – Les nouveaux éditeurs de logiciels nés directement sur le Cloud.

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Ces nouveaux acteurs, sont souvent des startups (ou des petites structures créés par des développeurs).

Ces éditeurs ont connus le Web directement (et prochainement ce seront des startups mobiles first, car les innovations se feront sur Tablettes et Smartphones).

Dans le domaine de la gestion, c’est par exemple Sellsy (ERP + CRM + eCommerce + Point de vente), qui allie l’ergonomie et le fonctionnel web, ainsi qu’un bon Web Marketing.

Mais ce sont aussi de tout nouveaux éditeurs de solution « de niche » ou spécifiques, qui apportent de des nouvelles fonctions et de nouveaux métiers (ex : Eloquant pour le Service Clients, Efficy avec le CRM…).

Contrairement au passé où la distribution était verrouillée (il fallait avoir un réseau de distribution physique pour toucher les clients partout en France), le Web permet d’avoir une visibilité initiale pour amorcer la pompe de chiffre d’affaires et ensuite gagner en visibilité.

Car l’intérêt des solutions Cloud, c’est l’effet “accumulatif” de ce business modèle.

En effet les taux de résiliation sont généralement entre 5% (pour les meilleurs) et 25%, et avec le phénomène de récurrence, un business peut croître rapidement en partant d’un très petit nombre de clients et d’un petit chiffre d’affaires individuel :

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De même, la barrière à l’entrée pour la création d’une solution en ligne étant devenue très faible, il suffit d’un an de développement pour sortir un produit « d’entrée » de gamme sur un marché (le challenge étant d’être visible sur le web… un peu comme les produits en grande distribution !).

Certains acteurs ont également même mis en place des stratégies de Judo Marketing.

C’est surtout le cas sur des marchés où les solutions ne sont pas encore démocratisées, où certains éditeurs proposent des solutions différentes par rapport à toutce qui se fait sur le marché.

C’est par exemple « No CRM.io» qui se veut l’anti-CRM, Zoho CRM qui est le CRM anti-Marketing (tout est mis dans le développement) PipeDrive qui s’intègre à Gmail…

2 – Les éditeurs de logiciels Mondiaux en Cloud

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Ce sont soit des startups qui ont décollées et qui sont désormais des entreprises mondiales (ex: Salesforce), soit des éditeurs de logiciels qui ont pris le virage Cloud en proposant un produit mondial (ex: Intuit, SAP…).

Ces nouveaux acteurs internationaux arrivent sur le marché Français avec un produit unique mais avec une adaptation pour la France.

Cette adaptation est plus que de la simple traduction, il y a un effort techniques (normes…) et marketing (présence physique), comme Intuit dans le domaine de la comptabilité.

3 –  Les acteurs historiques qui ont pris un virage Cloud avec des nouveaux produits.

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Ce sont des entreprises qui ont pris conscience de l’évolution vers le Cloud il y a 1 à 5 ans, mais qui n’ont pas encore totalement fait une transition vers ce business modèle.

C’est par exemple CEGID qui a à la fois une gamme de solutions cloud de gestion et des logiciels traditionnels.

Les raisons de cette lenteur à changer de business modèle sont multiples.

Tout d’abord, il est important de savoir que vendre un logiciel en Cloud est bien moins rentable que de vendre une licence et un contrat de maintenance.

Généralement il faut entre 2 ou 3 ans pour « rattraper » le chiffre d’affaires perdu, et gagner plus d’argent en SaaS qu’en licence/contrat de maintenance.

Ainsi, un éditeur de logiciels qui transférerait 100% de son chiffre d’affaires sur le Cloud du jour au lendemain pourrait faire face à un problème grave de trésorerie.

Voici une illustration avec une application qui coûte 1000 € en licence et 200 € en maintenance annuelle, et son pendant en SaaS à 45 € / mois.

On peut voir que la 1er année en licence la trésorerie est plus importante, et qu’il faut 3 ans pour que le SaaS soit plus rentable.

modele SaaS et Cloud

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Il y  a donc un impact sur la trésorerie, mais aussi sur la rentabilité car si un client vous quitte en mode SaaS, vous perdez les prévisions de revenus (alors qu’en licence vous avez déjà une somme importante la première année)…

Il y aussi une mentalité différente : en licence-maintenance, le but est de vendre au client et de lui faire payer des mises à jour (c’est une course en avant non stop pour avoir toujours plus de nouveaux clients).

En SaaS, c’est différent, le but est de garder le client le plus longtemps possible et éventuellement de lui rajouter des modules (l’optique est de fidéliser).

Une autre raison de la difficulté de la transition, c’est d’obtenir un périmètre équivalent entre les solutions Windows et les produits Cloud.

Par exemple il y a Ciel avec son offre Sage One, qui a le problème d’être bien moins mature que les gammes Windows.

En effet pour sortir une adaptation « correcte » d’une application Windows riche, il faut compter au moins 2 ans (souvent 3 ans et plus).

Et donc dans l’attente, la nouvelle solution est largement en dessous du standard du marché, vous avez donc une accroche plus faible sur le marché, tout en ne pouvant pas faire évoluer votre parc vers la nouvelle offre.

4 – Les acteurs historiques qui sont en retard dans la transition Cloud, et qui peinent à changer de business modèle.

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Ces éditeurs de logiciels sont ceux qui sont dans la situation la plus délicate.

C’est par exemple Sage, n’a pas de nouveaux produit Web, uniquement un portage de son produit Windows sur le Cloud via la virtualisation (ou un simple Module Web limité avec Sage Etendue). Son offre haut de gamme X3 reste aussi limité au single tenant (pas de mutualisation).

Le problème est qu’actuellement les clients deviennent de plus en plus exigeants sur l’ergonomie et le look du produit.

Si ces applications “windows” ne subissent pas une « cure de jeunesse profonde », et non pas un coup de « ripolin », l’avantage marketing de cet éditeur ne sera présent que tant que le différentiel fonctionnel sera important.

A fonctionnel proche, cela devient plus compliqué de justifier l’achat d’une solution “Windows”, surtout que les offres Cloud sont souvent conçues comme étant en “libre service”.

A noter : mettre son application en libre service Web n’est pas forcément recommandé pour toutes les applications… cela peut revenir à se tirer une balle dans le pied.

Les acteurs historiques peinent souvent face aux nouveaux arrivants car ces nouveaux venus mettent systématiquement en avant via les offres d’essais l’ergonomie, la mobilité…

Chose qui n’est pas aisée pour les acteurs historiques, qui ont une ergonomie pensée Windows, mais aussi une plateforme technologique Windows.

Ce décalage devient au fil du temps de plus en plus criant, avec les évolutions récentes du Web Design et des Apps Mobiles.

Les acteurs historiques peuvent bien entendu proposer leurs applications sur le Cloud via un environnement virtualisé par client.

Le principe est de temporiser face à la concurrence, mais la technologie reste identique, ce qui impose de fortes contraintes techniques (ex: impressions en local, écritures dans la base de registres…).

Au final, c’est un écran de fumée : au lieu d’avoir le logiciel sur le serveur, le logiciel est sur des machines virtuelles sur le Cloud. L’économie n’est faite principalement que sur l’hébergement, et pas sur l’ensemble du produit.

La structure des coût est différente : un nouvel acteur Cloud va utiliser dès le départ une architecture technologique permettant de mutualiser les coûts et donc de réduire les coûts unitaires avec l’augmentation du nombre d’utilisateurs.

Pour une application nativement Web, le coût marginal pour la mise en place d’un nouveau client baisse au fur et à mesure (les coûts sont divisés selon le nombre de clients).

Au contraire, éditeurs traditionnels utilisent le plus souvent une architecture avec 1 instance par client.

Ainsi le coût peut être jusqu’à 10 fois plus important… et ainsi un acteur « traditionnel » qui porte son application sur le Cloud aura un coût qui se mettra immédiatement hors marché s’il pratique des marges normales, sauf à s’aligner sur le marché mais avec une marge ridicule…

Et ceci ne fera qu’empirer, car au fur et à mesure que les nouveaux acteurs enrichissent leurs produits Cloud, les acteurs historiques non « cloud ready » perdront du terrain.

C’est comme lorsque l’on achète une voiture : pourquoi acheter un vieux modèle (qui à certes fait ses preuves), alors qu’on peut avoir le tout dernier modèle avec les dernières options. Il n’y a pas longtemps à réfléchir à prix égal !

C’est d’autant plus grave que la nouvelle génération a été éduquée au “web gratuit” et quand elle paie, elle espère retrouver la même simplicité et la même ergonomie qu’elle retrouve dans tous les objets informatiques du quotidien (iPhone, Google…).

Mais en plus, les nouveaux éditeurs de logiciels « Cloud ready » peuvent proposer de nouvelles fonctions difficiles (ou onéreuses) à mettre en place en  dehors du Cloud : accès aux applications en situation de mobilité, analyses et échanges des bases de données clients…

C’est d’autant plus vrai, que les nouveaux acteurs n’ont pas à traîner un « historique ».

Les acteurs traditionnels doivent gérer un parc avec des versions hétérogènes, des versions d’OS multiples, des clients qui détournent l’usage du produit, des revendeurs qui ont rajouté du paramétrage…

Si sortir une version Cloud peut se faire « au fil de l’eau », la sortie d’un produit Windows nécessite une batterie de test qui ralenti fortement le développement (sans parler des difficultés à intégrer les nouvelles technologies).

Cette faiblesse se ressent également dans la manière de fonctionner : une start-up développera en mode « agile » avec un cycle de développement plus rapide, alors qu’une structure établie aura des process plus sécurisés et donc plus figés.

Un autre élément très important qui freine les éditeurs historiques, c’est le principe de la « poule aux œufs d’or » : généralement ils gagnent très bien leur vie avec un ancien business modèle très rentable, et c’est très dur de changer pour un modèle moins rentable à court terme.

La dure et dangereuse transition des éditeurs de logiciels vers le cloud‏ ! 3

C’est le cas d’EBP qui concentre ses offorts sur son offre Windows qui monte en gamme pour attaquer le haut de gamme des PME, et qui en même temps néglige de développer sa gamme Cloud “iTools” vieillissante.

Cette stratégie peut se révéler très fâcheuse à moyen terme.

En même temps, les éditeurs historiques ont une structure humaine et financière faite pour gérer l’ancien business modèle :

  • un nombre de commerciaux important pour la vente (directe et indirecte),
  • beaucoup de télévendeurs pour vendre des mises à jour,
  • une hot line nombreuse pour aider sur un produit riche et d’un ergonomie souvent complexe
  • un réseau de distributeurs à qui l’on confie l’installation et la maintenance

On retrouve la même philosophie avec les opérateurs téléphoniques (Bouygues, SFR, Orange…) qui ont subit directement le chocs lors de la sortie de l’offre Mobile de Free : les opérateurs téléphoniques historiques avaient une armée de commerciaux et des boutiques physiques, alors que Free vendait par internet et avec un faible nombre de commerciaux.

Mais les acteurs historiques ne sont pas non plus dépourvus d’atouts :

  • Souvent une très bonne trésorerie permettant des rachats
  • Une image et une notoriété
  • Un réseau de distributeurs proche du client

Et bien entendu, il n’est jamais trop tard pour prendre le virage du Cloud !

Pour cela il existe plusieurs techniques :

  • Miser sur la différenciation (fonctionnalités inédites)
  • Travailler sur l’USP et le Marketing
  • Contrer les applications Cloud sur leurs points faibles (le prix, l’accessibilité, la sécurité…)
  • Travailler l’argumentation commerciale (personas…)
  • Intégrer les Media Sociaux dans leur stratégie

Et à l’opposé, les nouveaux acteurs ont souvent une vision trop “Web” et technophile (un culture orientée produit) sans penser au client et à la proposition de valeur.

De même pour espérer croître, une startup ou un éditeur full SaaS doit apprendre à grandir et à sortir du mode “artisanal”, à la fois dans la sécurisation de ses process, mais aussi dans l’évolution de son marketing.

En conclusion…

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Si l’industrie des éditeurs de logiciels est en plein bouleversement, rien n’est encore écrit.

Mais plus on attend pour prendre un virage technologique et marketing, plus la manoeuvre devient risquée !

Et comme je le dis toujours, “C’est quand on est le plus près du mur que l’on voit le mieux le mur”…  n’attendez pas, réagissez maintenant !

Et si vous voulez de l’aide, il suffit d’en faire la demande sur CE LIEN

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